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«UNE DENRÉE RARE»

Réjean Bernard vient d’apprendre une bien mauvaise nouvelle. D’ici quelques mois, son médecin de famille qui le suivait depuis plus d’une vingtaine d’années, Dr Delbe Robichaud, prendra sa retraite.

Si l’entrepreneur de Campbellton dit être content que son médecin puisse profiter d’une retraite bien méritée, ce départ le préoccupe tout de même. C’est que lui et sa femme se retrouveront bientôt – comme des milliers d’autres patients dans le Restigouche et dans la portion québécoise de la MRC d’Avignon – sans médecin de famille.

«On s’est renseigné, j’ai passé quelques coups de fil, mais aucun docteur ne semble prendre de nouveaux patients en ce moment. Ça m’inquiète, car même si je suis relativement en santé, on ne rajeunit pas. Qui va me recevoir en consultation, renouveler mes prescriptions? Est-ce qu’il va falloir que j’aille attendre des heures à l’hôpital ou en clinique simplement pour obtenir un rendez-vous afin de passer des tests de routine annuels? Ça me soulagerait beaucoup de savoir que j’ai un médecin qui surveille mon dossier», confie-t-il.

M. Bernard est loin d’être le seul dans cette situation dans la région. Avec le départ à venir du Dr Robichaud et celui tout récent du Dr Jean-Robert Ngola, près de 3000 patients (actifs) se retrouveront dans le même bateau. Et la situation pourrait empirer alors que d’autres docteurs de familles ont pratiquement un pied dans la porte de sortie, à quelques années de la retraite.

Au Réseau de santé Vitalité, on dit être bien au fait la précarité de cette situation.

«La région du Restigouche ne regorge pas d’effectifs médicaux. Nous y avons plusieurs postes de vacants et dans plusieurs domaines, y comprit celui des médecins de famille. On a beaucoup de difficultés à pourvoir ces postes», constate Johanne Roy, vice-présidente des Services cliniques et – par intérim – des Ressources humaines chez Vitalité.

Dans les faits, il y a une dizaine de postes de médecins de famille vacants dans la région. Certains sont même affichés depuis plusieurs mois, voire quelques années. Une situation qui n’est pas sans causer nombre de problèmes.

Outre les patients orphelins, ces postes non pourvus posent une pression sur le système médical. Déjà, le Centre de santé communautaire St-Joseph de Dalhousie (clinique sans rendez-vous) a dû réduire ses heures d’ouverture, faute de médecins.

RECRUTEMENT DIFFICILES

Mme Roy assure que le réseau fait tout en son pouvoir côté recrutement. N’empêche, en dépit de ses efforts, le Réseau de santé Vitalité ne semble pas être parvenu à trouver la formule miracle pour convaincre d’éventuels candidats de s’implanter dans cette portion du nord.

«On avait jusqu’à tout récemment des médecins intéressés à venir voir la région et à prêter main-forte en faisant du locum, mais la pandémie de la COVID-19 est venue bouleverser les plans. Avec les restrictions aux frontières et la quarantaine obligatoire, des candidats se sont désistés. On espère que ce ne sont que des reports et que nous n’avons pas été balayés de leurs options», indique-t-elle.

Selon Mme Roy, la communauté du Restigouche s’est aussi montrée très sensible à la problématique du manque de médecins de famille. Plusieurs élus, gens d’affaires et professionnels de la santé se sont notamment regroupés afin de voir comment rendre le milieu accueillant et faciliter l’intégration des futurs candidats, de sorte à s’assurer que ceux-ci s’implantent à long terme dans le secteur.

«Il y a des solutions qui passent par la communauté, comme aider la conjointe ou le conjoint du candidat à dénicher un emploi», cite-t-elle en exemple.

La gestionnaire assure par ailleurs que bien que le Restigouche vit actuellement une situation précaire au chapitre des médecins de famille, la pénurie est une réalité qui touche également d’autres régions de la province.

«Il y a beaucoup de patients orphelins également dans la grande région de Moncton qui accueille, entre autres, une grande partie des immigrants de la province. Et je sais que le Réseau de santé Horizon a également des besoins à pourvoir. C’est une denrée rare partout», assure-t-elle. ■