Édition numérique - Acadie Nouvelle

«Ce n’est plus la même Maison Nazareth»

De nombreuses personnes qui connaissent bien les rouages de la Maison Nazareth estiment que la gestion et le fonctionnement de l’organisme, un refuge pour sansabri de Moncton, se sont grandement détériorés au cours des dernières années.

Justin Dupuis justin.dupuis@acadienouvelle.com

En début d'année, le Bureau du contrôleur du Conseil du trésor de la province a procédé à une vérification des pratiques financières et de la gouvernance du conseil d'administration de la Maison Nazareth entre le 1er juillet 2019 et le 31 décembre 2020.

Dans une lettre envoyée au conseil d'administration de la Maison Nazareth, le sous-ministre du ministère du Développement social, Éric Beaulieu, explique que le Bureau du contrôleur a «formulé dix recommandations pour remédier aux problèmes de gouvernance» du conseil d'administration. Huit recommandations visent à remédier aux problèmes de fonctionnement de l'organisme.

D'ici la fin mai, le conseil d'administration de la Maison Nazareth devra présenter un plan qui lui permettra de se conformer aux recommandations du Bureau du contrôleur, faute de quoi «le ministère examinera les options dont il dispose concernant» son partenariat avec le refuge.

L'Acadie Nouvelle a interrogé, sous couvert de l'anonymat, plus d'une demi-douzaine de personnes qui connaissent bien les rouages de la Maison Nazareth afin de comprendre le contexte ayant justifié la vérification et les recommandations.

Aucune des personnes interrogées n'a dit être surprise par les conclusions du Bureau du contrôleur et plusieurs y voient le reflet d'un manque de transparence qui s'est instauré à la Maison Nazareth depuis quelques années.

«Ce n'est plus la même Maison Nazareth», a déploré l'une des personnes interrogées.

La détérioration du climat de travail au refuge, souvent qualifié de toxique, a également été évoquée par la quasi-totalité des personnes interrogées par l'Acadie Nouvelle. Nombreux sont ceux qui ont fait état de tentatives de chantage par la direction ou d'incidents d'intimidation.

Invité à commenter ces témoignages vendredi, le directeur général de la Maison Nazareth, Jean Dubé, a dit ne «jamais avoir entendu parler de ça».

Il reconnaît toutefois que le travail auprès des populations itinérantes est difficile et peut causer un environnement de travail toxique.

«Nous sommes tous fatigués, relate-t-il. Si les gens disent être fatigués, je le crois, parce que je suis là. Oui c'est difficile, absolument, mais on fait du mieux qu'on peut.»

DES ABSENCES RÉPÉTÉES

D'après de nombreuses sources, les absences répétées de Jean Dubé ont également commencé à nuire aux opérations quotidiennes du refuge. Dans les recommandations issues de la vérification du Bureau du contrôleur, on notait notamment que le refuge devrait, à l'avenir, «mettre par écrit les attentes envers le directeur général lorsqu'il s'agit de travailler sur place et à la maison».

Jeudi, Damien Dauphin, qui assure l'intérim du conseil d'administration de la Maison Nazareth, a raconté que les absences de M. Débué étaient motivées par un problème de santé non diagnostiqué, l'an dernier. Vu les circonstances entourant la COVID-19, le médecin de M. Dubé lui aurait conseillé d'être en télétravail.

«Il a transféré temporairement ses bureaux dans les locaux de mon entreprise (Atlantic Destination Group), situés à un jet de pierre de la Maison Nazareth», explique M. Dauphin.

Le principal intéressé dit avoir ainsi pu accomplir son travail pour la Maison Nazareth depuis les locaux de son ancien partenaire d'affaires, tout en passant régulièrement au refuge et en maintenant des contacts quotidiens avec son équipe.

UN C.A. ILLÉGITIME?

De nombreuses sources consultées par l'Acadie Nouvelle ont aussi dit s'inquiéter de la légitimité du conseil d'administration de la Maison Nazareth puisque l'organisme n'a pas organisé d'assemblée générale annuelle (AGA) depuis deux ans.

Une AGA est en préparation, assure M. Dubé, mais des retards auraient eu lieu en raison d'un audit comptable qu'il a commandé sur les finances du refuge.

«Depuis la fondation de la Maison Nazareth, les comptes n'ont jamais été audités. J'ai fait cette demande, mais tout a été compliqué à cause de la pandémie», dit-il, ajoutant qu'une AGA devrait être organisée à l'automne.

FITCH S’OCCUPE PERSONNELLEMENT DU DOSSIER

Vendredi, Jean Dubé a encore une fois tenu à souligner que les choses tourneraient plus rondement à la Maison Nazareth si le refuge recevait les ressources dont il a besoin.

«Il nous faut des ressources en santé mentale et en toxicomanie, plaide-t-il. Il faudrait pouvoir payer nos employés convenablement pour le travail difficile qu'ils font. Ce sont vraiment des anges.»

Le premier ministre Blaine Higgs a dit avoir été mis au fait du dossier par le ministre du Développement social, Bruce Fitch, qui «le gère directement.»

Invité à commenter les propos de M. Dubé voulant que le ministère du Développement social tente de faire reposer le fardeau de l'itinérance sur les épaules d'organismes sans but lucratif, M. Higgs a dit croire qu'une analyse détaillée de la vérification permettra de le dire.

«La vérification a été demandée afin de nous assurer que le refuge offre des services de manière efficace, a dit M. Higgs lors d'une mêlée de presse, vendredi. Je n'ai pas lu le rapport, mais il devrait faire en sorte que ce genre d'accusations puisse être mis à l'épreuve des faits.» ■

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