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Les élections fédérales creusent davantage le fossé entre les villes et la campagne

Les résultats des élections fédérales ont creusé encore plus profondément le fossé entre des villes libérales et des campagnes conservatrices.

Maan Alhmidi

Selon le directeur du programme de journalisme de l’Université Carleton, à Ottawa, Allan Thompson, cette division a nettement laissé des traces en Ontario. Les libéraux y ont remporté la presque totalité des sièges urbains tandis que les conservateurs ont fait des gains dans les circonscriptions rurales.

«Je m’inquiète de cette polarisation croissante qui semble déterminer automatiquement les résultats, lance-t-il. Les partis ont commencé à en tenir compte dans leur stratégie. Ils ne font même plus de grands efforts pour attirer des électeurs dans les circonscriptions qu’ils jugent imprenables. Cela devient une prophétie qui s’accomplit d’elle-même.»

Avant de reprendre son poste à l’université, M. Thompson dirigeait un groupe de réflexion dont la mission était de conseiller les libéraux sur les moyens de mieux communiquer avec les électeurs ruraux.

Il connaît plutôt bien le terrain après s’être présenté à deux reprises comme candidat libéral dans la circonscription rurale de Huron-Bruce en Ontario, s’inclinant chaque fois devant l’élu conservateur Ben Lobb. Ce dernier l’a emporté par environ 3000 voix en 2015 et par environ 9000 en 2019.

Lundi, M. Lobb a porté sa majorité à plus de 15 000 voix.

Deux ministres ont mordu lundi la poussière dans des circonscriptions en grande partie rurale: Maryam Monsef dans Peterborough-Kawartha et Deb Schulte dans King–Vaughan.

Les conservateurs ont aussi détrôné les libéraux dans Bay of Quinte, en Ontario, Miramichi–Grand Lake au NouveauBrunswick, Cumberland–Colchester et South Shore–St. Margarets en NouvelleÉcosse et Coast of Bays-Central-Notre Dame à Terre-Neuve-et-Labrador. Ils ont progressé dans la plupart des comtés ruraux.

Toutefois, les libéraux ont maintenu leur position dans leurs forteresses urbaines. Ils ont gagné 22 des 24 circonscriptions de l’île de Montréal et balayé les 25 circonscriptions de Toronto.

La troupe de Justin Trudeau a enlevé neuf des dix sièges de la région d’OttawaGatineau et tous les sièges de la région de Halifax. Ils ont fait des gains à Vancouver, à Calgary et à Edmonton.

La région de Québec que se sont partagée une nouvelle fois les libéraux, les conservateurs et les bloquistes est peut-être l’exception qui confirme la règle.

Allan Thompson se demande si les deux principaux partis fédéraux se contentent de conserver leurs forteresses respectives.

RIEN DE NEUF

Mais Jonathan Malloy, un professeur de science politique de l’Université Carleton, rappelle qu’il ne s’agit pas d’un phénomène nouveau. Selon lui, ses origines peuvent remonter au schisme progressisteconservateur de 1993 qui avait vu la naissance du Parti réformiste, devenu plus tard l’Alliance canadienne.

Les conservateurs se sont retranchés dans les zones rurales et les libéraux dans les villes.

«Toronto a déjà été un château fort conservateur, il y a 50 ou 60 ans, dit le Pr Malloy. La polarisation actuelle a progressé au cours des 20 à 30 dernières années, particulièrement en Ontario.»

À cause de l’explosion démographique de certaines municipalités, il est difficile de bien déterminer précisément quand cette croissance s’est amorcée. Le Pr Malloy cite l’exemple de Brampton en Ontario.

«Brampton était jadis une petite ville dans une région essentiellement rurale. Aujourd’hui, Brampton est une ville d’environ 600 000 habitants.»

Selon lui, le programme des partis a contribué à creuser cette division. Par exemple, la promesse des garderies à 10 $ par jour est plus attrayante pour l’électorat urbain ou le débat sur les armes à feu.

«Personne n’a besoin d’une arme à feu dans les villes canadiennes. Les libéraux proposent des mesures plus restrictives parce que la plupart des citadins ne possèdent pas une arme à feu. Dans les campagnes, elles sont d’usage plus courant, pour la chasse ou la protection des animaux de ferme. Il existe des raisons pratiques pour posséder une arme à feu dans les campagnes.»

Le Pr Malloy dit que les libéraux et les conservateurs sont bien au courant de ces différences, car ils ont tendance à adopter des programmes qui plairont à leur base politique.

Les origines rurales ou urbaines d’un chef politique jouent aussi un rôle dans le choix des électeurs.

«L’électorat urbain considère [Andrew] Scheer ou [Erin] O’Toole comme étant des ruraux, même s’ils sont plutôt des citadins, souligne le Pr Malloy. [Justin] Trudeau est identifié comme un citadin, personne ne dira le contraire.»

Si les deux partis cherchent toujours d’attirer de nouveaux électeurs, ils s’assurent auparavant de vérifier si cela ne leur aliénera pas trop leurs partisans traditionnels.

M. Thompson dit que cette polarisation entre zone urbaine et zone rurale peut nuire à la démocratie. Les partis devraient faire des efforts pour combler ce fossé.

«C’est comme si parce qu’on vit dans un certain comté, on n’avait pas la chance d’examiner l’autre point de vue», commente-t-il. ■

Cet article a été produit avec le soutien financier des Bourses Facebook et La Presse Canadienne pour les nouvelles.

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