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Phobie des vaccins: «nous ne sommes pas des conspirationnistes»

Plusieurs personnes atteintes de « bélonéphobie », terme médical pour décrire la phobie des aiguilles, déplorent le manque d’empathie qui leur est accordé, tant par le public que par les médecins.

Émilie Pelletier Initiative de journalisme local, Le Droit

«Je suis ce genre de personne qui préfère littéralement rester à souffrir pendant des semaines, voire des mois, d’un problème médical, juste par peur de consulter. J’ai des traumatismes depuis l’enfance à ce sujet, qui se sont amplifiés à l’âge adulte», confie Martin*, un Français dont la phobie clinique des aiguilles et des installations médicales l’empêchent de se faire vacciner contre la COVID-19.

Martin tenait à livrer au Droit son histoire pour faire comprendre à la population et aux professionnels de la santé qu’il n’est pas un conspirationniste, espérant ainsi faire cesser l’intimidation dont sont victimes les gens comme lui.

Il juge que les experts de la santé publique gagneraient à prendre sa condition plus au sérieux.

Sa phobie des aiguilles et des installations médicales a de profondes racines. «On peut les retracer à l’époque où j’étais tout petit, lorsque des gestes médicaux ont été posés avec un non-respect de mon consentement. Après, la peur s’est amplifiée.»

Sa phobie le freine chaque fois qu’il a recours à des soins médicaux, tant pour les rendez-vous avec le médecin, les prises de sang, la prise de médicaments, ou encore la vaccination.

Il arrive à Martin de s’évanouir lors de rendez-vous médicaux, et depuis le début de la pandémie, il ressent un profond malaise chaque fois qu’il voit une photo d’un article d’actualité où l’on peut voir une aiguille pénétrer la peau d’un individu.

Celui-ci déplore le harcèlement dont il est victime depuis l’arrivée des vaccins contre la COVID-19. «C’est un gros problème. Il y a des gens qui ne connaissent pas cette condition médicale, des gens qui ne comprennent pas, qui nous voient comme des égoïstes, sans savoir ce qu’est une véritable phobie. (...) On a quasiment un statut de lépreux. Mais il faut comprendre que cette peur-là est rationnelle.»

Ce qui embête Martin au plus haut point, souligne-t-il, c’est le fait d’être comparé aux « anti-vaccins ».

«Quand on dit qu’on ne peut pas [se faire vacciner], on est automatiquement assimilé avec des personnes qui refusent tous les autres gestes barrière, comme si on refusait tous les actes pour protéger son prochain, comme le port du masque ou la distanciation physique.»

Or, outre la vaccination, Martin affirme faire tout en son pouvoir pour se protéger contre le virus, parce que s’il y a quelque chose qui lui fait encore plus peur que le vaccin contre la COVID-19, c’est la COVID-19 en soi. «Autant j’ai peur du vaccin, autant j’ai peur de la maladie. Quand je suis malade, ça me terrorise», note celui pour qui un séjour à l’hôpital en raison de la COVID-19 serait hors de question.

QUAND L’ANXIÉTÉ PREND LE DESSUS

Étudiante et fonctionnaire au gouvernement fédéral, Anda Costa évalue sa peur des aiguilles à «un six ou sept sur dix».

Elle a attendu jusqu’en septembre 2021 pour recevoir sa première dose du vaccin contre la COVID-19, à l’Université d’Ottawa. «Quand j’ai pris mon rendez-vous, disons que ça m’a pris 30 minutes au lieu des cinq minutes nécessaires, parce que j’ai dû prendre une pause pour pleurer.»

Celle-ci affirme que c’est en partie sa peur et son angoisse qui expliquent un tel délai. «C’est difficile de savoir où prendre la bonne information. Tout est un peu biaisé. Il y a un peu de ça, aussi. Mais au fond, c’est vraiment parce que j’ai peur.»

La jeune femme se dit convaincue qu’un grand nombre de conspirationnistes seraient, au fond, des bélonéphobes, comme elle. «Quand tu as peur des aiguilles, il y a une partie de toi qui tente par inadvertance de trouver des excuses pour justifier le choix de ne pas se faire vacciner, en lisant des informations de sources qui correspondent à ta peur.»

Anda Costa est en voie de recevoir sa deuxième dose du vaccin contre la COVID-19. «Au moins, cette fois, je sais à quoi m’attendre. Je sais que ce n’est rien, mais j’ai quand même peur. Peut-être que c’est quelque chose lié à mon enfance, qui sait? (...) C’est irrationnel d’avoir peur comme ça, moi-même, je trouve ça absurde, mais quand même, je réagis de manière excessive malgré moi.»

*Martin est un nom fictif, par craintes de représailles. ■

SANTÉ

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2021-09-27T07:00:00.0000000Z

2021-09-27T07:00:00.0000000Z

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