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Exposition Féminicide: le douloureux sacrifice des femmes

Bouleversants et courageux, voilà les mots qui traversent l’esprit en regardant l’imposante installation Féminicide de Lucia Choulakian qui traite de l’expérience des femmes arméniennes pendant le génocide de 1915.

Sylvie Mousseau sylvie.mousseau@acadienouvelle.com

Avec son installation qui s’apparente à une statue commémorative, l’artiste de Moncton d’origine arménienne honore la mémoire des femmes victimes de violence lors du génocide arménien.

Si la plupart des hommes ont été tués sur le moment, les femmes, les enfants et les vieillards ont été déportés vers le désert Mésopotamien, raconte Lucia Choulakian. Pendant leur longue marche forcée, elles ont subi divers types de violence, surtout de nature sexuelle.

Des viols collectifs, des tortures sexuelles, l’amputation de parties de leur corps.

«C’est une oeuvre qui porte sur l’expérience du corps de ces femmes du génocide parce qu’elles ont vraiment été sacrifiées», a expliqué l’artiste étant de la 4e génération de rescapés du génocide arménien.

Même si cette tragédie est loin derrière elle, l’artiste rappelle que les traumatismes vécus par ces femmes peuvent se transmettre par leur corps aux générations suivantes. L’image du corps domine ainsi son oeuvre.

«Je n’ai jamais eu d’expérience traumatique par rapport au corps, mais je le ressens vraiment profondément et c’est ça qui me motive à faire ce genre d’oeuvre.»

Pour réaliser son installation, elle a utilisé son propre corps qu’elle a pris en photo. Sa silhouette est recouverte de témoignages en arménien d’une survivante du génocide qui décrit les souffrances qu’elle a vécues pendant la déportation. C’est la mère (Sylvia Kasparian) de l’artiste qui a écrit tous les messages sur son corps. Le visage est voilé afin de représenter l’ensemble des femmes.

«La première fois que j’ai vu l’image imprimée, je pense que mon coeur s’est arrêté. C’est tellement imposant. Je pense que c’est ça qui la rend si forte.»

La photographie numérique (giclée) sur toile recouverte d’un vernis mât a été accrochée avec des clous sur un immense cadre de bois. Il a été fabriqué avec de vieilles poutres, évoquant ainsi la crucifixion comme symbole de sacrifice.

«Elles ont sacrifié non seulement leur corps, mais elles se sont sacrifiées pour tout le peuple arménien parce que ce sont elles aussi qui ont régénéré le peuple arménien. L’idée de la crucifixion c’est parce qu’elles sont mortes pour le peuple.»

Au pied de l’immense oeuvre, une lisière de sable longe le mur. Il symbolise à la fois le désert et un aspect personnel de l’artiste. C’est du sable qui provient de la région de Moncton.

«Ça représente un peu mon chemin de la guérison du trauma.»

Lucia Choulakian s’intéresse à l’histoire et à la place des femmes dans son travail artistique. Si le génocide arménien est un peu tombé dans l’oubli, le sort des femmes l’est encore davantage, soulève-telle. Rarement a-t-on abordé l’expérience des Arméniennes de façon spécifique.

«C’est pas juste par rapport au génocide, mais il y a plein d’événements traumatiques qui se passent dans le monde, puis on ne parle jamais des femmes et de ce qu’elles vivent. Les conséquences de ces événements se font encore ressentir par ce trauma qui se transmet, donc c’est important d’en parler.»

Féminicide est la première exposition solo professionnelle de l’étudiante de 3e année au département d’arts visuels à l’Université de Moncton. Son installation est présentée à la Salle Sans Sous de la Galerie Sans Nom à Moncton jusqu’au 5 novembre. Elle a bénéficié de bourses, dont une de la Fondation Sheila Hugh Mackay. Lucia Choulakian qui a déjà présenté des oeuvres dans une exposition de groupe au Musée d’art moderne en Arménie a été invitée à offrir une exposition solo dans ce même musée en 2023. Son installation Féminicide fera partie de l’exposition. ■

ARTS ET SPECTACLES

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2021-10-20T07:00:00.0000000Z

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