Édition numérique - Acadie Nouvelle

Mosaïque théâtrale sur la complexité des rapports humains

Sylvie Mousseau sylvie.mousseau@acadienouvelle.com @SylvieMousseau1

Les finissants en art dramatique de l’Université de Moncton plongent dans l’univers du dramaturge français Joël Pommerat en explorant la complexité de l’amour et des rapports humains. Conçue comme une mosaïque en plusieurs tableaux, la pièce C’était merveilleux d’après La réunification des deux Corées met en relief la divergence des points de vue.

Le metteur en scène et auteur de Québec, Philippe Soldevila, qui dirige l’exercice public au Studio-théâtre La Grange, estime que l’écriture de Joël Pommerat est d’une grande richesse. De la pièce originale constituée d’une vingtaine de scènes indépendantes les unes des autres, ils ont choisi 13 portraits en autant de tableaux qu’ils déclinent dans plusieurs registres linguistiques pour ainsi rebaptiser la pièce C’était merveilleux.

«Ça questionne la notion de vérité. C’est comme si chaque scène nous oblige à nous positionner comme spectateur, mais on n’est pas capable. Le plaisir qu’on a comme spectateur est de voir comment les personnages vont s’en sortir. Ça devient des scènes extrêmement riches au point de vue dramaturgique […]. Il y a toujours deux points de vue», a expliqué Philippe Soldevila.

Montée pour la première fois en 2013, La réunification des deux Corées présente différents portraits sur ce qui anime et déchire les vies. Chaque fois, deux perceptions d’un même événement se confrontent. D’après le metteur en scène, cela donne un spectacle assez troublant qui navigue dans des situations extrêmes telles que l’éclatement d’une famille, la rupture d’un couple, le congédiement d’un professeur, les abus sexuels potentiels, le patriotisme, les désirs et les amours cachés et les mensonges pour se créer de fausses identités.

«Dans le texte, il y a deux personnages qui disent à un moment donné nous deux quand on s’est rencontré c’était comme la réunification des deux Corées. Je suis vraiment partie de ça, c’est comme le noyau et cette thématique va irradier à travers les scènes», a-t-il poursuivi.

Chaque scène représente en quelque sorte la fin d’une relation.

«Dans le collage qu’on a fait, on a essayé de créer une espèce d’unification chorale, c’est-à-dire que tous ces personnages qui gravitent sont en quelque sorte en quête de ce paradis perdu à l’époque où la Corée n’était pas divisée.»

Le directeur artistique du Théâtre Sortie de Secours de Québec collabore avec le milieu théâtral acadien depuis plus de 20 ans. Il est notamment le coauteur et le metteur en scène du Triptyque acadien avec Christian Essiambre, Pierre Guy Blanchard et Luc LeBlanc. C’est la troisième fois qu’il dirige un exercice public au département d’art dramatique de l’Université de Moncton. Six finissants font partie de la cohorte 2021-2022.

«Je suis toujours aussi amoureux de l’Acadie alors dès que je peux venir ici, je viens. J’adore ça travailler avec des étudiants.»

UN LONG TRAVAIL

Pour les futurs diplômés, ce nouveau spectacle arrive avec son lot de défis constructifs et formateurs. Ils y travaillent d’arrache-pied depuis le mois de septembre. Les six comédiens en devenir incarnent une trentaine de rôles tout en jonglant avec la langue française.

«Le fait qu’on touche à différents personnages et à différents registres de langue, ça étend un peu notre jeu en tant qu’acteur pour pouvoir être capable d’incarner différents rôles. Avoir cette gamme-là nous permet justement d’aller le plus loin qu’on puisse. C’est un très beau travail qu’on fait», a exprimé Jean-Charles Weka.

Le finissant originaire de Bathurst incarne, entre autres, un père de famille, un instituteur, le frère d’une mariée et le directeur d’une grande entreprise. À son avis, les gens vont se reconnaître dans une ou l’autre des situations. Lou-Anne St-Pierre, une finissante de Caraquet, interprète cinq personnages, dont celui d’une épouse, d’une directrice et d’une femme de ménage. Certaines scènes sont jouées dans une langue très française de France, d’autres plus en Québécois ou en Acadien, leur permettant ainsi de s’approprier la pièce, note-t-elle.

«Le fait qu’on joue avec le registre, ça aide énormément au fait que nos personnages se différencient plus et ça nous donne un beau défi de travail. Je me suis dépassée là-dedans, j’ai fait des choses que je ne pensais pas être capable de faire. C’est un beau projet, je vais m’en rappeler toute ma vie», a-telle confié.

Dans chaque scène, deux perspectives s’opposent, ce qui séduit la jeune comédienne.

«Par exemple, dans une scène, je suis la mère d’un garçon qui part à la guerre et lui (Jean-Charles Weka) c’est mon mari. Moi je ne veux pas que mon fils parte et lui il est vraiment fier que son enfant parte. En même temps, on a tous les deux raison. C’est vraiment intéressant parce que ça nous laisse voir les deux côtés de la médaille. C’est le fun à jouer.»

En plus des six finissants, une équipe d’étudiants travaille aussi à la production de la pièce. Les successions de tableaux entraînent plusieurs changements de costumes et d’éclairages, ajoute le metteur en scène. Les interprètes évoluent dans un espace ouvert où le public est installé des trois côtés de la scène. Les comédiens doivent jouer parfois avec un couvre-visage lorsque la distanciation physique n’est pas possible. À deux jours de la première, les finissants ont confié ressentir une certaine nervosité, mais ils ont très hâte de montrer le fruit de leur travail au public. La distribution comprend également Danica Arsenault, Zacharie Cassista Landry, Joe Nadeau et Mara Saulnier.

La pièce est présentée au Studio-théâtre La Grange, du 3 au 7 décembre à 20h, devant un public restreint. ■

ARTS ET SPECTACLES

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