Édition numérique - Acadie Nouvelle

LES NOMBREUSES VIES DE L’ANCIEN CHAMP DE TIR DE TRACADIE

JESSICA SAVOIE

Quand j’étais plus jeune, mes frères et moi passions des fins de semaine entières sur l’ancien champ de tir de Tracadie.

Nous partions habituellement les soirs, le chum de ma mère apportait son père Médard et on mangeait des friandises qu’on avait achetées au dépanneur de Leech. Médard chantait des frolics que l’on connaissait par coeur et il nous faisait découvrir des dizaines d’endroits, ayant lui-même grandi dans ce petit joyau de nature qu’est le Rang 9.

Voyez-vous, les 18 000 hectares qui sont devenus l’ancien champ de tir de Tracadie n’ont été acquis qu’en 1939 par les autorités fédérales, dans le but d’en faire un lieu d’entraînement pour les forces armées canadiennes. L’endroit étant, auparavant, habité par une petite communauté ensuite dispersée majoritairement à Leech et à Pont-Lafrance.

Je me souviens que mon grand-père maternel, Léandre, me racontait à quel point il était traumatisant pour lui et ses voisins d’entendre les coups de feu et les bombes lâchées durant ces entraînements militaires. Des maisons tremblaient sous les chocs et des parents craignaient que leurs enfants n’aillent jouer trop près.

Mais depuis 1997, l’ancien champ de tir de Tracadie est passé aux mains du gouvernement provincial et a retrouvé, pendant un certain temps, une certaine sérénité.

Depuis, ce sont des familles entières qui ont construit des souvenirs comme peu de communautés ont la chance de faire: des sorties plein-air dans une nature fraîche et abondante, colorée d’endroits charmants où s’arrêter, et ce, à deux pas de la maison.

Les résidents du Grand Tracadie ont toutefois commencé à se mettre en colère ces dernières années, pointant du doigt la déforestation et les coupes à blanc permises par le gouvernement provincial sur ces lieux sacrés pour plusieurs.

Commence alors une longue lutte contre le système, des citoyens voulant protéger leur joyau naturel d’un côté et une province voulant utiliser ces 18 000 hectares dormant à sa pleine capacité.

Lorsque je suis retournée dans l’ancien champ de tir de Tracadie pour la première fois en sept ans, j’ai été beaucoup plus bouleversée que ce à quoi je m’attendais.

Non seulement ces coupes à blanc ont laissé un vide sans fin dans un endroit qui était alors grouillant de vie, mais elles ont complètement défiguré l’un des plus beaux paysages qui a marqué ma jeunesse.

On apprenait cette semaine, à la suite d’années de pression pour recevoir des réponses sur lesdits travaux en place, que ceux-ci étaient menés par le ministère de la Défense nationale afin de décontaminer les lieux de munitions non explosées.

Des décisions qui semblent justes et à l’avantage des citoyens, jusqu’à ce qu’on confirme que la décontamination est en cours dans le but de développer davantage le bleuet sauvage, un projet appuyé sur des documents signés il y a 20 ans.

Combien de ruisseaux devra-t-on détruire, combien d’animaux devront mourir et combien de pesticides allons-nous déverser avant de comprendre que Dame Nature n’a pas de prix? La proximité avec l’environnement et les activités de plein air sont de forts indicateurs de bien-être personnel, nous devrions cesser d’en priver les gens qui ont la chance de pouvoir en profiter.

Heureusement, la bataille n’est pas terminée et nombreux personnages publics, de l’artiste Serge Brideau au politicien Keith Chiasson, s’indignent de la situation et appuient les citoyens dans cette longue démarche qu’est la protection de la nature.

Une histoire dont on espère ne pas encore connaître la fin…

COMMENTAIRE

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2022-01-22T08:00:00.0000000Z

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