Édition numérique - Acadie Nouvelle

LE NOUVEAU-BRUNSWICK: UNE PROVINCE PAR ET POUR LES LOYALISTES

MARC POIRIER

En 1784, la Grande-Bretagne créait une nouvelle colonie – le Nouveau-Brunswick, à même la partie ouest de la Nouvelle-Écosse. Pourquoi? Une seule raison: les loyalistes.

À l’issue de la Révolution américaine, des milliers de soldats, civils, esclaves et autres voulant demeurer fidèles à la Grande-Bretagne ont pris la route du Nord pour s’établir dans les territoires restés britanniques, essentiellement ce qui allait devenir l’Ontario, le Québec et les provinces maritimes.

On estime qu’environ 30 000 loyalistes se sont établis en Nouvelle-Écosse, l’ancienne Acadie, dans les deux ou trois années qui ont suivi la fin de la guerre d’indépendance des États-Unis.

La moitié de ces loyalistes se rendra dans ce qui est maintenant le Nouveau-Brunswick, qui faisait alors partie de la Nouvelle-Écosse. Au printemps de 1783, le premier contingent – près de 5000 personnes – débarque à l’embouchure du fleuve Saint-Jean. L’année suivante, 10 000 autres se joignent à eux. La majorité du groupe va finalement s’installer dans ce qui deviendra rapidement la ville de Saint-Jean, ainsi que sur le site de la future ville de St. Andrews, près de l’embouchure de la rivière SainteCroix. D’autres iront autour de l’ancien fort Beauséjour, où la ville de Sackville sera créée, le long de la rivière Petitcodiac, dans la région de Miramichi et même jusqu’aux rives de la baie des Chaleurs.

Pour les autorités de Halifax, il s’agissait de tout un défi d’établir, nourrir et fournir les biens essentiels à un si grand nombre de personnes arrivés en si peu de temps.

Dès le début, les opinions entre le gouvernement colonial de la Nouvelle-Écosse et les nouveaux colons de la partie ouest de la province divergent. Halifax préférait que les colons s’installent près des côtes qui étaient plus accessibles et où les nouveaux villages seraient plus faciles à contrôler. Mais les chefs de file des loyalistes préféraient les terres fertiles et boisées de la vallée de la Saint-Jean.

Il y avait aussi une certaine différence «culturelle» entre les nouveaux arrivants et ceux qui habitaient déjà la Nouvelle-Écosse, ceux qu’on appelait les «Planters», qui provenaient eux aussi de la Nouvelle-Angleterre. Plusieurs loyalistes estimaient que les Néo-Écossais de plus longue date avaient des penchants républicains, et c’est ce qu’ils venaient de fuir pour se réfugier au nord de la baie de Fundy.

Et puis la capitale Halifax était loin d’eux, les communications pouvant prendre plusieurs jours, alors que les besoins étaient si pressants.

EDWARD WINSLOW, PERSONNAGE MAJEUR DE LA FONDATION DU NOUVEAU-BRUNSWICK

L’un des premiers à évoquer la création d’une nouvelle colonie à même celle de la Nouvelle-Écosse était Edward Winslow de Boston, le neveu même du major général John Winslow, celui qui avait dirigé l’opération Déportation dans la région de Grand-Pré une trentaine d’années plus tôt.

Pendant la guerre d’indépendance, Winslow grimpe rapidement les échelons militaires jusqu’à recevoir le grade de lieutenant-colonel et à être nommé, en 1776, chef général de rassemblement des forces loyalistes en Amérique du Nord.

Après la guerre, le gouverneur de la province de Québec, Guy Carleton, le convainc de se rendre en Nouvelle-Écosse en tant que représentant des régiments loyalistes. Il a pour tâche de superviser le découpage des terres pour les soldats démobilisés et leur famille qui allaient se rendre dans cette colonie.

Les autorités à Halifax n’aiment pas trop les plans de Winslow et s’opposent à ses intentions d’installer les anciens soldats en bloc sur un seul territoire, craignant que cela donne lieu à des communautés politiques séparées et difficiles à gérer.

Edward Winslow renonce à établir les anciennes troupes britanniques en Nouvelle-Écosse péninsulaire et lorgne, avec d’autres officiers loyalistes, du côté du nord de la baie de Fundy. Quand ceux-ci se rendent dans la vallée de la Saint-Jean, où certains réfugiés ont déjà établi des campements, ils sont convaincus d’avoir trouvé le site idéal, loin du contrôle direct d’Halifax.

Dans une lettre datée du 7 juillet 1783 envoyée à son ami en ancien associé dans le rassemblement des loyalistes Ward Chipman, qui était maintenant à Londres, Winslow fait l’éloge des terres de la partie ouest de la Nouvelle-Écosse. «Jugez si ce n’est pas dans la nature des choses que cette partie devienne un gouvernement séparé.» Il s’agit là de la première mention connue évoquant la partition de la Nouvelle-Écosse.

Par la suite, Winslow et d’importants contacts mènent un lobby intense à Londres pour arriver à cette fin. Le gouvernement d’Halifax est évidemment contre. Mais en mars 1784, à peine huit mois après la lettre de Winslow, le comité de commerce du Conseil privé à Londres approuve la division de la province. Le 18 juin de la même année, un ordre en conseil du roi George II et du Conseil privé à Londres officialise la création du Nouveau-Brunswick, dont le nom est issu du duché allemand de Brunswick-Lunebourg, rattaché à la lignée des rois George.

L’Irlandais Thomas Carleton, frère du gouverneur de Québec, Guy Carleton, sera le premier gouverneur de la nouvelle colonie. La création du Nouveau-Brunswick a été l’affaire des loyalistes et ceux-ci vont très majoritairement en diriger les destinées pendant plusieurs années. Ont évidemment été écartés de toute cette entreprise les Acadiens et les autochtones. Cela fera l’objet d’une future chronique.

Sources: - Ronald Rees, New Brunswick : An illustrated history

– 2014 - Edward Winslow, Dictionnaire biographique du Canada

- Corey Slumkoski, The Partition of Nova Scotia, 2005, dans The Winslow Papers (UNB)

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