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Augmenter le salaire minimum, est-ce assez?

Marianne Dépelteau Francopresse

L’économie actuelle ne facilite pas la vie des personnes au Canada qui peinent à suivre l’inflation. Augmenter le salaire minimum peut alléger leurs difficultés mais, de l’avis général, il en faudra plus pour reconnaître les travailleurs à leur juste valeur.

Le 1er octobre, le salaire minimum a augmenté dans six provinces pour tenter de pallier l’augmentation du cout de la vie, passant notamment de 12,75$ à 13,75$ de l’heure au Nouveau-Brunswick.

Joseph Marchand est professeur d’économie à l’Université d’Alberta et ancien président du Minimum Wage Expert Panel du gouvernement de l’Alberta.

Il croit que le moment est bien choisi pour augmenter le salaire minimum, car les prix sont à la hausse et la demande de maind’oeuvre est en expansion. Statistique Canada rapporte que 44% des entreprises canadiennes doivent composer avec une pénurie de main-d’oeuvre, et que le taux de chômage se situe à 5,4%.

«Quand les prix augmentent, le salaire minimum peut augmenter, explique l’économiste. Tu ne veux pas l’augmenter quand la demande de main-d’oeuvre baisse […] ça entraîne des pertes d’emplois, moins d’heures ou une combinaison des deux.»

En août, Statistique Canada enregistrait une augmentation de l’indice des prix à la consommation de 7% dans la dernière année, tandis que le salaire minimum ne s’est accru que de 5,4%.

David Gray, professeur titulaire de science économique à l’Université d’Ottawa, rappelle que ce chiffre «reflète les salaires de tout le monde, pas seulement de ceux qui touchent le salaire minimum».

Selon lui, pour contrer «la pénurie de main-d’oeuvre et les lacunes sur le marché du travail, [le meilleur remède] est que les entreprises relèvent leurs salaires elles-mêmes».

Les plus petites entreprises ont souvent plus de difficultés à hausser les salaires.

«Elles essaient d’augmenter leurs prix, mais ce n’est pas toujours possible: ça dépend de la situation du marché. C’est possible qu’elles coupent les effectifs légèrement.»

LES FEMMES AU SALAIRE MINIMUM

L’inégalité hommes-femmes persiste sur le plan salarial: en 2021, les femmes gagnaient 89 cents pour chaque dollar gagné par les hommes, et ce, même si elles sont désormais plus nombreuses que les hommes à faire des études postsecondaires.

Selon Statistique Canada, de 1998 à 2018, environ 60% des travailleuses au salaire minimum étaient des femmes, ce qui préoccupe l’Alliance des femmes de la francophonie canadienne (AFFC).

«Quand on vit à salaire minimum, qu’on a déjà du mal à joindre les deux bouts et que tout a augmenté, qu’en est-il de la réalité présentement de ces femmes? Ça nous inquiète», commente la directrice générale de l’organisme, Soukaina Boutiyeb.

D’après elle, la pandémie a rappelé à tous l’importance des emplois payés au salaire minimum. «C’est important de dire que ce sont des emplois essentiels à notre société. [...] Ces emplois doivent être payés à leur juste valeur.»

Elle met en lumière la nécessité d’un changement systémique des mentalités à l’égard de la rémunération des femmes. S’il y a plus de femmes qui occupent des emplois faiblement rémunérés, c’est que «dès un bas âge, on nous explique qu’[il faut faire] la cuisine, être une personne aidante, dans des services de soutien, etc., c’est ce qui est “naturellement féminin”».

L’écart salarial entre les hommes et les femmes «ne prend pas en considération quand on a une double minorisation, une triple minorisation, une quadruple minorisation, ajoute Soukaina Boutiyeb. Une femme francophone racisée a beaucoup de misère à avoir un salaire qui est adéquat par rapport à une femme blanche ou un homme blanc». ■

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2022-10-04T07:00:00.0000000Z

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