Édition numérique - Acadie Nouvelle

RECEVOIR DES AUTRES

SERGE COMEAU SERGECOMEAU1@ICLOUD.COM

La semaine de prière pour l’unité des chrétiens s’est terminée mercredi dernier. Depuis 1908, des initiatives sont promues pour un rapprochement entre catholiques, orthodoxes et protestants. Le thème de cette année, «Apprenez à faire le bien, recherchez la justice» (Is. 1, 17), vise une transformation intérieure pour un cheminement commun vers la paix.

Parmi mes moments de prière les plus intenses, il y a ceux avec la communauté de Taizé: être assis au milieu de protestants et d’orthodoxes pour la louange donne le vrai sens de l’Église. J’ai aussi de bons souvenirs des rencontres oecuméniques dans les lieux de cultes de Tabusintac. Chaque hiver, une communauté accueillait les autres pour un temps de prière et de partage. Les catholiques, les presbytériens et les fidèles de l’Église Unie profitaient de ce moment pour tisser des liens d’amitié et devenaient alors un signe d’unité.

De tels rassemblements sont pourtant rares dans les communautés acadiennes. La quasi-homogénéité catholique de l’Acadie n’a pas toujours rendu la vie facile à ceux et celles qui exprimaient leur foi au sein d’autres confessions chrétiennes. Les parcours de vie et les expériences personnelles de certaines gens les ont amenés à vivre leur foi ailleurs que dans l’Église catholique romaine. On accusait parfois ces derniers de trahir leur héritage; on pouvait les rendre responsables de diviser les familles.

J’ose espérer que ces jugements soient moins présents. Moins pesants aussi! Je crois même que nous sommes rendus à une étape de coexistence qui devrait nous interpeller à chercher ensemble des moyens d’annoncer le Christ, au lieu de mettre en exergue nos divisions. Ce qui nous unit est plus grand que ce qui nous sépare.

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Au cours de l’histoire, des efforts ont été menés pour un rapprochement entre chrétiens. Le mouvement oecuménique moderne est né de l’expérience des missions protestantes du XIXe siècle: elles ont pris conscience de la contradiction entre l’Évangile de réconciliation qu’elles proclamaient et la compétition pour gagner des âmes et des territoires dans laquelle elles étaient engagées.

Au début du mouvement, il y avait le désir de passer de la méfiance mutuelle à la collaboration dans le culte et la mission.

En 1948, le Conseil oecuménique des Églises a vu le jour. C’était la première phase d’un engagement entre différentes Églises pour mener ensemble des projets sociaux. À un moment donné, cet oecuménisme de la vie a semblé insuffisant.

Dans une deuxième étape, l’oecuménisme moderne a cherché des voies de réconciliation pour une communion entre les différentes dénominations. Or, un constat s’est vite imposé: les divisions ne consistent pas simplement en des ruptures d’affection, de prière partagée et de témoignage, mais en des divisions institutionnelles, ministérielles et sacramentelles qui, au cours des siècles, ont fomenté et cimenté de telles ruptures. L’espoir d’une pleine communion est irréaliste à court terme. Pour dénouer cette impasse et continuer à progresser, une troisième voie est à l’oeuvre depuis quelques années. Promu par Paul Murray de l’Université de Durham, cet «oecuménisme réceptif» vise un enrichissement de part et d’autre.

La question n’est plus «qu’est-ce que les autres peuvent apprendre de nous?», mais plutôt «que pouvons-nous apprendre et recevoir des autres?» Chaque dénomination a ses propres richesses. Ainsi, lors du 500e anniversaire de la Réforme protestante en 2017, le pape a rendu grâce pour les fruits que les protestants apportent au christianisme. Misant sur un baptême commun, appelant à guérir la mémoire, François a appelé à reconnaître les charismes que les autres ont reçus.

La beauté d’un arbre de Noël (eh oui: le mien brille encore chaque soir!), c’est l’unicité de chaque boule et la multitude des couleurs. Ce n’est pas l’uniformité de chacune des décorations qui rend l’ensemble si harmonieux. Le désir de faire disparaître les différences est présent dans le monde religieux et politique. Ce rêve d’uniformité est pourtant imaginaire: c’est dans la particularité de chacun que l’épanouissement devient possible.

Le mouvement oecuménique est encore jeune. Tant que les Églises chrétiennes seront empêchées de vivre une pleine communion, le corps ecclésial du Christ est déchiré par des blessures et des divisions. Le premier pas à faire sur ce chemin de réconciliation, c’est l’unité avec les gens de notre propre confession chrétienne. Et aussi en nous.

ARTS ET SPECTACLES

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2023-01-28T08:00:00.0000000Z

2023-01-28T08:00:00.0000000Z

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