Édition numérique - Acadie Nouvelle

Comment améliorer la situation des urgences dans les hôpitaux?

Jean-Bernard Robichaud Gatineau

J’ai beaucoup d’empathie pour le ministre de la santé et pour tout le personnel du système de santé. J’en ai encore plus pour les citoyennes et citoyens qui doivent recourir aux urgences hospitalières. L’actualité des derniers mois nous démontre que le séjour aux urgences n’est pas toujours sécuritaire. Nous admettons tous que les problèmes perdurent depuis longtemps et nous comprenons qu’il n’y a pas de solution magique ni instantanée.

Cependant, au-delà d’éteindre des feux, il faudrait un changement de paradigme puisque les solutions du passé se sont avérées infructueuses. Et en tout respect, il semble bien que les efforts actuels ne suffiront pas pour désengorger les urgences. Dans ce court message, j’aimerais inviter tous les acteurs du système à penser en dehors de la boîte et à imaginer des solutions inédites.

On pourrait, pour utiliser une image, dire que la situation critique des urgences est comme «le canari dans la mine», un indicateur de ce qui ne fonctionne pas dans notre système. Celui-ci est axé sur le curatif et il se caractérise par le médico-hospitalo-centrisme. Il y aurait toute une analyse à faire à ce sujet mais là n’est pas mon propos. Il y a différents types de problèmes, certains sont conjoncturels, d’autres structurels.

Certaines solutions ponctuelles peuvent alléger le problème, mais elles sont insuffisantes comme l’ajout de personnel médico-hospitalier. La principale limite de cette solution est que ces ressources sont rares et que leur formation requiert beaucoup de temps. Leurs effets positifs ne se feront sentir qu’à moyen ou long terme.

Pour continuer avec une allégorie, on pourrait dire que la situation des urgences est comme un ponceau bâti pour un certain volume d’eau. En cas d’une crue majeure, il déborde et il pourrait être emporté. Les équipes de la voirie auront tendance à surveiller le pont, à le consolider pour parer au plus urgent. C’est ce qui se passe actuellement dans les hôpitaux. Tous les acteurs sont concentrés sur les urgences au quotidien. C’est un réflexe normal, les gestionnaires et les intervenants n’ont pas le choix. Ils doivent faire face à la crise.

Mais qui dans le réseau peut prendre du recul et imaginer des solutions pratiques et réalistes? Connaissons-nous bien le profil des usagers de l’urgence? Savons-nous quelle proportion des usagers devrait être orientée ailleurs que dans les urgences? Je suppose que ces informations existent dans certains centres de recherche ou organismes. Ces informations sont-elles portées à l’attention du ministre?

Revenons à notre ponceau inondé… Qui travaille à régulariser et à diminuer le volume de la rivière?

L’achalandage des urgences ne serait pas d’abord dû à une détérioration de l’état de santé de la population. Ne serait-il pas plutôt attribuable au peu d’éducation à la santé et à la faiblesse de la prise en charge communautaire en amont de la maladie?

Il reste beaucoup à faire en éducation à la santé, mais qui s’en charge? Par exemple, pensons seulement aux répercussions positives sur la santé et la qualité de vie suite aux campagnes contre le tabagisme. Combien de cancers et autres maladies ont été évités?

Personne ne peut nier que la réduction du tabagisme a diminué le nombre d’hospitalisations et de recours à l’urgence, au cours des trente dernières années. De nombreux autres exemples montreraient que la prévention des maladies, la responsabilisation de la population face à sa santé et l’adoption de styles de vie plus sains par l’éducation à la santé contribueraient à la diminution des hospitalisations.

Au niveau institutionnel, le programme de l’Hôpital extra-mural pourrait être enrichi en y ajoutant des services d’urgences mineures et des programmes d’éducation à la santé. Ceci serait de nature à alléger la pression sur les urgences hospitalières qui deviendraient en quelque sorte des services de deuxième ligne.

De façon préventive, pour intervenir plus en amont de la maladie, un investissement plus conséquent dans les organismes communautaires et les groupes d’entraide réduirait aussi la pression sur les urgences. À titre d’exemple, mentionnons que les centres d’intervention en situation de crise et de prévention du suicide, les cliniques de désintoxication, les refuges pour personnes itinérantes contribuent à alléger les urgences. Nous savons à quel point ils sont vulnérables, sous équipés et sous financés.

Notons qu’il existe des disparités régionales à ce niveau. Il ne s’agirait pas de simplement consacrer des millions à ce secteur, mais de développer une nouvelle stratégie et de réorienter le système vers la prévention et le renforcement du lien social dans notre société. ■

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