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CORÉE DU SUD: CULTURE POP ET DIPLOMATIE CULTURELLE

PHILIPPE BERNIER ARCAND

La culture populaire coréenne est connue à travers le monde, notamment avec le Gangnam Style du chanteur Psy de même que la télésérie Squid Game, et sa version française Le jeu du calmar. Ce succès est en partie dû à une forte politique de promotion culturelle instaurée en Corée du Sud dans les années 1990.

Lorsqu’il a remarqué que les recettes du film Jurassic Park, de Steven Spielberg en 1993, équivalaient la vente de 1,5 million de voitures Hyundai, le président sud-coréen de l’époque, Kim Young-sam, a décidé de miser sur l’industrie culturelle afin de l’exporter à travers le monde. Le président qui lui a succédé, Kim Dae-jung en 1998, a considérablement augmenté le budget à la culture.

Cette politique a contribué à redresser le pays après la crise économique asiatique de 1997. Dès le début des années 2000, on s’est mis à parler de la Hallyu, soit la «vague coréenne», pour décrire ce succès. Suivant la tendance à faire précéder de la lettre «K» les productions sud-coréennes à succès, on a assisté à l’émergence de la K-pop pour la musique et de la K-drama pour les téléséries. Le cinéma n’est pas en reste, on n’a qu’à penser au succès du film Parasite de Bong Joon-ho, récompensé par la Palme d’or à Cannes en 2019 et par quatre Oscars à Los Angeles en 2020.

Le gouvernement sud-coréen, qui soutient financièrement cette politique de promotion culturelle, profite des milliards de dollars que génèrent l’exportation de ses produits culturels. Qui plus est, les cours de langues coréennes sont de plus en plus populaires et le tourisme, notamment à Séoul, ne cesse d’augmenter.

Au-delà des avantages économiques, le succès de la pop sud-coréenne a aussi permis de moderniser l’image du pays. Le terme Hallyu a été repris par la Corée du Sud pour populariser sa diplomatie culturelle.

Toutefois, ce succès n’est pas sans créer certaines tensions au sein de la diplomatie internationale. En 2020, le président américain Donald Trump, dont la politique étrangère semblait découler de son slogan nationaliste «America first», qu’on pourrait traduire par «L’Amérique d’abord», s’était offusqué que le film sudcoréen Parasite reçoive l’Oscar du meilleur film, une première pour un film non anglophone, en y voyant une menace pour l’économie américaine.

À l’inverse, la diplomatie culturelle peut faciliter la création de liens. Par exemple, le groupe de K-pop BTS, un «boys band» sud-coréen, a été reçu par le président américain Joe Biden à la Maison blanche en 2022.

Le groupe BTS est d’ailleurs un véritable instrument de «soft power» pour la Corée du Sud. À deux reprises, en 2018 et en 2021, le groupe a accompagné le président sud-coréen de l’époque, Moon Jae-in, pour faire des discours au siège des Nations unies (ONU) à New York.

Dans leur essai K-pop, soft power et culture globale (PUF, 2022) Vincenzo Cicchelli et Sylvie Octobre remarquent que la Hallyu «redistribue les cartes de l’hégémonie occidentale de la pop culture en termes de normes, valeurs, idéaux». Alors que, depuis la Seconde Guerre mondiale, Hollywood dominait le monde en termes de productions culturelles grand public en mettant en scène l’«American way of life», internet et les réseaux sociaux permettent, particulièrement auprès des jeunes, l’émergence d’autres cultures populaires nationales qui peuvent diffuser leurs contenus dans le reste du monde. Vincenzo Cicchelli et Sylvie Octobre font remarquer que la Corée du Sud disposait de nombreux avantages dont la présence de géants de la communication, telle que l’entreprise Samsung, et des services internet à haut débit dans l’ensemble du pays. Il est intéressant de remarquer que malgré le fait que le coréen soit une langue relativement peu parlée en dehors de la péninsule coréenne, la Corée du Sud a réussi à devenir un chef de file mondial de la culture pop.

Le succès de la Hallyu démontre que, malgré une industrie du divertissement de plus en plus mondialisée, la Corée du Sud a su miser sur ses spécificités culturelles, voire son exotisme, plutôt que de s’américaniser.

Le succès sud-coréen illustre également que troquer sa langue pour l’anglais n’est pas une condition sine qua non pour atteindre un marché international dans le domaine de la culture et du divertissement.

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2023-01-28T08:00:00.0000000Z

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