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Pousser les itinérants hors du centre-ville de Moncton: une solution «désolante»

Un élu municipal de Moncton et quelques membres de la communauté d’affaires souhaitent que les services offerts à la population itinérante soient centralisés et offerts à l’extérieur du centre-ville, une idée qui est loin de faire l’unanimité.

Justin Dupuis justin.dupuis@acadienouvelle.com

Depuis plusieurs années, Moncton fait face à de nombreux défis liés à l’augmentation de la population itinérante de la ville.

Selon certains entrepreneurs du centre-ville, la situation a rendu impossible la cohabitation avec les personnes sans abri.

Plus tôt cette semaine, un petit groupe d’entrepreneurs a donc organisé une rencontre afin de discuter de ces enjeux. Certains d’entre eux ont affirmé à Radio-Canada devoir dépenser des dizaines de milliers de dollars afin d’assurer la sécurité dans leurs établissements au centre-ville.

Selon ce groupe, les services offerts à la population itinérante devraient donc être déménagés à l’extérieur du centre-ville de Moncton.

Un élu de la municipalité partage leur avis. Lors de la réunion municipale du 20 mars, le conseiller Shawn Crossman a lui aussi plaidé en faveur de cette approche.

«Les services ne devraient pas être au centreville, ils devraient être rassemblés en un seul endroit où ils peuvent obtenir tout ce dont ils ont besoin», a dit l’élu.

Selon lui, les personnes itinérantes se voient forcées de marcher plusieurs kilomètres afin de se rendre d’un service à un autre, un trajet pendant lequel ils s’arrêtent parfois pour s’injecter des stupéfiants ou errer sur les terrains des citoyens du centre-ville.

«DÉSOLANT»

Charles Léger, conseiller municipal du quartier 2, ne partage pas les propos de son collègue. Une intervention des gouvernements aura plus d’impact et permettra de régler le problème plutôt que de réagir à ses symptômes.

«C’est vraiment le syndrome pas dans ma cour, donc j’ai encouragé le groupe d’entrepreneurs à présenter d’autres solutions. Les élus représentent tous les citoyens, même les plus démunis. Je comprends les frustrations. Il y a des choses qui ont été faites dans les dernières années pour améliorer les choses, malheureusement il n’y en a pas assez et ça ne va pas assez vite», dit M. Léger.

Marie-Pier Rivest, professeure de travail social à l’Université de Moncton, qualifie pour sa part les propos du conseiller Crossman de désolants.

«Il faut être clair: ce n’est pas du tout une solution de déplacer des services afin de ne plus voir les personnes en situation d’itinérance, et la suggestion proposée ne déresponsabiliserait en rien la Ville quant à cet enjeu», lance Mme Rivest.

Bien que le directeur général de la Chambre de commerce pour le Grand Moncton dit comprendre que la patience des entrepreneurs du centre-ville ait atteint sa limite, il estime lui aussi qu’il faut faire preuve de créativité afin de régler la situation.

«L’idée de concentrer les services dans le parc industriel a aussi été évoquée, mais ça ne règle pas le problème, ça ne fait que le déplacer, donc je crois qu’il faut chercher des solutions plus innovantes, dit John Wishart. La province devrait annoncer une nouvelle stratégie avant la fermeture des refuges d’urgence à la fin avril. Nous avons hâte de voir ce que ce plan contient et s’il répond aux inquiétudes des entrepreneurs.»

Marie-Pier Rivest rappelle que les personnes en situation d’itinérance gravitent vers les centres urbains pour des raisons semblables à celles de la population logée, notamment la proximité des services ou l’accès plus facile au réseau de transport en commun.

«Toute l’activité humaine se concentre au centre-ville, dit Mme Rivest. Les personnes en situation d’itinérance sont des citoyens et des citoyennes à part entière et elles ont le droit de se déplacer comme tout le monde.»

La Chambre de commerce a bon espoir que l’une des mesures présentées dans le budget de la semaine dernière, soit l’ajout de 50 lits en établissement pour patients hospitalisés afin de parer aux besoins en santé mentale et en traitement des dépendances, pourra contribuer à améliorer le sort de la population itinérante de Moncton.

«J’espère que ça va se concrétiser parce que les cas les plus aigus ont vraiment besoin de ce genre de services afin de recevoir l’aide dont ils ont besoin pour traiter leurs problèmes de dépendance ou obtenir des soins en santé mentale.» ■

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