Édition numérique - Acadie Nouvelle

UN RECUL, MALGRÉ CE QU’EN PENSENT LES MINISTRES ACADIENS

FRANÇOIS GRAVEL francois.gravel@acadienouvelle.com

Les ministres Daniel Allain, Réjean Savoie et Glen Savoie auront beau présenter la chose sous tous les angles possibles, cela ne changera rien à la réalité. La fin de l’obligation pour le gouvernement provincial de réviser aux dix ans la Loi sur les langues officielles du N.-B. est un recul pour les Acadiens. Avant d’aller plus loin, saluons l’audace de Blaine Higgs qui se plaint de la couverture médiatique francophone à son égard et déplore le fait que les Acadiens ne l’appuient pas. «Je demanderais aux francophones de la province: qu’est-ce que Higgs a enlevé?», a déclaré le premier ministre pas plus tard que la semaine dernière, alors que la décision d’affaiblir la Loi sur les langues officielles avait de toute évidence déjà été prise.

La Loi sur les langues officielles du NouveauBrunswick a été adoptée en 2002 par le gouvernement progressiste-conservateur de Bernard Lord, en présence de Louis J. Robichaud. Elle a depuis été révisée tous les dix ans. Blaine Higgs a choisi de mettre fin à cette obligation.

Cette annonce était relativement prévisible. M. Higgs a tout fait pour enlever de l’importance à ce processus. Il a d’abord lié la révision de la Loi sur les langues officielles à une refonte de l’enseignement de la langue seconde dans le système d’éducation anglophone, cela dans le but d’abolir le programme d’immersion française. Il a ensuite pris une année à répondre au rapport de la commission qu’il a mise sur pied, sans aborder aucune des recommandations qui ont été déposées.

Le gouvernement Higgs a tenté en 2018 d’éliminer certaines obligations linguistiques d’Ambulance NB et a commandé l’année dernière un avis juridique afin de déterminer s’il peut légalement mettre sur pied un système d’autobus scolaires bilingues. Le voir tester à nouveau les limites de nos droits linguistiques n’a donc rien d’étonnant. La principale surprise dans ce dossier est plutôt de voir qu’il incombe aux trois ministres acadiens, avec en tête Daniel Allain, le mandat de défendre la position du gouvernement.

Personne ne s’attendait à voir une crise comme celle qui a été déclenchée après la publication de la lettre de démission de l’ancien ministre de l’Éducation Dominic

Cardy. Il y a toutefois une énorme différence entre défendre une décision du bout des lèvres afin de respecter la ligne de parti et la présenter avec force comme étant quelque chose de très positif pour le peuple acadien. Le ministre Allain a imagé son propos en soutenant que lorsqu’une voiture est endommagée, il faut l’amener au garage pour la faire réparer immédiatement; pas attendre un prochain rendez-vous dans une décennie. L’analogie de M. Allain ne tient pas la route, au sens propre comme au sens figuré. Au Nouveau-Brunswick, la loi prévoit que les véhicules automobiles doivent subir une inspection obligatoire tous les deux ans. Vous avez beau faire réparer votre voiture aussitôt qu’il y a un bris mécanique, cela ne vous dispense pas de cette obligation.

Par ailleurs, le fait qu’une révision de la Loi sur les langues officielles doit avoir lieu aux dix ans n’avait pas pour effet d’interdire à un gouvernement d’améliorer celle-ci quand bon lui semble. L’un n’empêche pas l’autre.

Comme c’est trop souvent le cas quand on parle de droits linguistiques au NouveauBrunswick, le débat est devenu rapidement émotif. Le libéral Benoît Bourque a accusé le ministre Daniel Allain de choisir «le parti avant la patrie». Celui-ci a traité son homologue libéral de fou, avant de retirer ses propos.

Nous n’accuserons pas dans cet espace les trois ministres francophones de jouer aux Acadiens de service et ne remettrons pas en question leur loyauté à l’endroit du peuple acadien. Nous pouvons toutefois exprimer notre désaccord et notre déception devant la position qu’ils défendent.

Les gouvernements provinciaux, autant progressistes-conservateurs que libéraux, préfèrent depuis Frank McKenna se tenir le plus loin possible des débats linguistiques. La révision obligatoire imposait périodiquement une responsabilité dont la plupart des politiciens veulent bien se passer de même qu’une pression pour améliorer la loi.

La disparition de cette obligation est un recul. Les meilleures analogies et les pires insultes ne changeront rien à cela.

MONDE

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2023-04-01T07:00:00.0000000Z

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