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LE PAPE FRANÇOIS: 10 ANS DE PONTIFICAT

PHILIPPE BERNIER ARCAND

En politique, on utilise parfois l’expression «lune de miel» pour décrire la période pendant laquelle l’opinion publique est généralement enthousiaste envers un nouveau politicien. Pour le pape François, depuis maintenant dix ans de pontificat, cette période semble depuis longtemps révolue et il se fait critiquer à la fois par l’aile droite et par l’aile gauche du Vatican. C’est le 13 mars 2013 que le cardinal argentin Jorge Mario Bergoglio a été élu à la tête du Vatican et qu’il est devenu le 266e pape de l’histoire de l’Église catholique sous le nom de François. À son arrivée au pouvoir, le pape François était fortement associé à l’aile progressiste de l’Église, ne serait-ce qu’en comparaison avec son prédécesseur, le très conservateur Benoît XVI.

Ainsi, le pape François s’est mis à dos une partie de l’aile droite du Vatican, plus particulièrement les courants traditionnalistes et conservateurs, en raison de ses prises de positions progressistes. Il s’est par exemple montré, par ses déclarations, plutôt conciliant à propos de l’homosexualité. Cependant, l’aile progressiste reste sur sa faim tant le pape François semble peu pressé de débattre de certaines questions, notamment sur la place des femmes au sein de l’Église. Sur plusieurs enjeux progressistes, il a adopté la méthode de la «synodalité».

Le «synode» est une assemblée qui permet de débattre de questions touchant la vie de l’Église. Lors de ces réunions, on débat de propositions qui sont votées et qui sont ensuite transmises au pape qui décide, ou pas, de leur application.

Lors du synode sur la famille, en 2014 et 2015, le pape François s’est montré ouvert à la communion pour les divorcés remariés et en a fait mention dans son exhortation apostolique Amoris Laetitia. Cette prise de position a provoqué les foudres de cardinaux conservateurs à la curie romaine.

C’est sans doute pourquoi le pape François s’est montré beaucoup plus prudent lors du synode de l’Amazonie en 2019. Lors de ce synode, les deux tiers de l’assemblée ont voté pour l’ordination des hommes mariés dans l’Église catholique latine, mais le pape a récusé la proposition et n’en a fait aucunement mention dans son exhortation apostolique Querida Amazonia.

Actuellement se déroule le synode sur l’avenir de l’Église, parfois appelé «synode sur la synodalité», qui a débuté en 2021 et devrait durer jusqu’en 2024. Ce synode a pour ambition de transformer la gouvernance de l’Église afin qu’elle soit moins verticale et hiérarchique pour la rendre plus horizontale et décentralisée.

Il s’agit d’amener une forme de démocratie participative en mettant en place un cadre permettant un dialogue constructif où l’ensemble des membres de l’Église, et non pas uniquement les membres de hiérarchie ecclésiastique, peuvent participer. L’Église allemande, via son «chemin synodal», a profité de cette opportunité pour proposer des réformes progressistes amitieuses telles que permettre aux femmes de prêcher et présider tous les sacrements, de célébrer des bénédictions pour les couples homosexuels, de discuter de la diversité des genres sur les baptistères de même que de réexaminer la question du célibat des prêtres.

Les propositions de l’Église allemande sont désormais instrumentalisées par les courants conservateurs qui dénoncent les dérives de la «synodalité» et prédisent même un schisme. C’est une situation, avec des pressions à gauche comme à droite, que la pape François n’avait sans doute pas imaginée lorsqu’il a élaboré sa vision de la « synodalité », qui est d’ailleurs exposée dans son recueil de textes et de discours Paroles et réflexions sur la synodalité (Salvator, 2022) récemment publié.

Au cours de ses dix années de pontificat, le pape François a généralement donné l’image d’un pape progressiste et moderne. Toutefois, perdant un peu le contrôle de la «synodalité», son propre processus réformateur de l’Église, il risque de paraître beaucoup plus conservateur.

En succédant à Benoît XVI, le pape François incarnait un vent de changement et, notamment parce qu’il était le premier pape originaire des Amériques, d’ouverture sur le monde, ce qui l’a rendu populaire auprès des courants progressistes. À l’inverse, il est, depuis le début de son pontificat, fortement critiqué par les courants conservateurs et traditionnalistes. Les fortes critiques de l’Église allemande démontrent que le pape François ne bénéficie pas d’un appui inconditionnel des courants progressistes au sein de l’Église catholique. Bien qu’il ait tenté de faire taire les rumeurs de démission, relancées par des problèmes de santé qui ont mené à une hospitalisation au cours des derniers jours, les débats politiques sont toujours aussi vifs au Vatican.

MONDE

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2023-04-01T07:00:00.0000000Z

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