Édition numérique - Acadie Nouvelle

Santé: une décision inquiétante pour la communauté acadienne

Deux juristes de la communauté acadienne remettent en question la décision du gouvernement Higgs d’avoir révoqué les conseils d’administration des deux régies de la santé du Nouveau-Brunswick.

Jean-François Boisvert restigouche@acadienouvelle.com @JFBjournaliste

Dans une lettre ouverte publiée en page 15, les avocats Michel Doucet et Serge Rousselle s’interrogent sur cette situation peu orthodoxe annoncée la semaine dernière par le gouvernement conservateur.

Rappelons que le premier ministre, Blaine Higgs, a procédé d’un coup, vendredi, au remplacement de la ministre de la Santé (Dorothy Shephard) par son confrère Bruce Fitch, à la mise en tutelle des conseils d’administration des régies de la santé Vitalité et Horizon, et au remplacement du PDG d’Horizon.

Le premier ministre a justifié ces décisions par la crise que traverse actuellement le domaine de la santé, crise qui a pris une tournure dramatique dernièrement avec le décès d’un patient en pleine salle d’attente d’un hôpital d’Horizon.

Cette mise en tutelle des deux réseaux de santé passe toutefois difficilement, notamment dans la communauté acadienne.

«Ce n’est définitivement ni banal ni anodin. Au contraire, c’est certainement très sérieux. Honnêtement, je suis encore abasourdi par cette décision du premier ministre», pargage Me Doucet.

Dans leur lettre, les deux avocats reconnaissent le pouvoir du ministre de la Santé de révoquer les conseils d’administration. Cette situation peut survenir si les conseils n’exercent plus leurs fonctions de manières convenables, s’ils ne se conforment pas aux directives du ministre ou si leurs décisions vont à l’encontre de l’intérêt public.

«Mais ce n’est pas parce qu’un ministre possède une certaine discrétion qu’il peut en faire usage comme il veut et quand il veut. Il doit respecter la loi. Ce n’est pas un pouvoir que l’on peut exercer à la légère», soulève de son côté Me Rousselle, peu convaincu par le premier ministre.

Les deux juristes estiment que les motifs dévoilés jusqu’à présent pour justifier le recours à ce droit discrétionnaire sont passablement flous et minces.

«On a besoin d’éclaircissements, de précisions, car une impasse bureaucratique ça ne dit pas grand-chose. C’est très mince», renchérit Me Rousselle.

Les deux hommes notent également que la décision de mettre sous tutelle les conseils a été annoncée par le premier ministre luimême alors qu’elle aurait dû l’être par le ministre de la Santé.

RECOURS JURIDIQUE?

Maintenant, est-ce que la communauté francophone et acadienne doit être inquiète? À certains égards, les signataires estiment que oui puisqu’on vient de mettre en veilleuse une partie de son droit de gestion en matière de soins de santé.

«Ce que l’on constate, c’est que le peu de

«On rapporte une impasse bureaucratique, mais cet argument n’est pas prévu comme tel dans la loi. D’ailleurs, on ne sait rien sur cette impasse, quelle est sa nature? Le premier ministre n’est pas au-dessus de la loi, alors c’est certain que ça soulève des inquiétudes et des interrogations sérieuses», estime Me Doucet.

pouvoir de gestion que la communauté acadienne a dans la loi actuelle, et bien on peut facilement le lui enlever comme ça, du jour au lendemain, simplement en invoquant une impasse bureaucratique. C’est fort inquiétant», note Me Rousselle, précisant que la décision du premier ministre pourrait bien contrevenir à la charte des droits et libertés.

Pour les deux hommes, un questionnement s’impose également quant à la durée de la mesure. Ils vont même jusqu’à se questionner à savoir si la communauté francophone pourra retrouver ce pouvoir de gestion un jour, et si oui, quand? Cette situation risquerait en effet, selon eux, de durer plusieurs semaines, voire plusieurs mois.

Comme les conseils ont été abolis, cela signifie que les mandats des conseillers sont officiellement terminés. De nouvelles élections et nominations seront ainsi nécessaires pour rétablir les conseils.

Pour Me Doucet, il s’agit d’une tempête parfaite pour une révision judiciaire. Est-ce dans cette direction que l’on se dirige?

«Je ne le sais pas. Est-ce que des groupes ou d’anciens membres des conseils d’administration ayant perdu leur mandat voudront contester la décision? Ça leur appartient. Mais ce serait une cause parfaite pour vérifier la portée du droit de gestion (en santé) de la communauté francophone», dit l’avocat. ■

ACTUALITÉS

fr-ca

2022-07-19T07:00:00.0000000Z

2022-07-19T07:00:00.0000000Z

https://numerique.acadienouvelle.com/article/281526524784261

Acadie Media