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Centrale de Tantramar: et si Énergie NB choisissait les batteries plutôt que le gaz?

C’est une idée qui revient en permanence dans le discours des opposants à la centrale au gaz de Tantramar: Énergie NB devrait plutôt avoir recours à des énergies renouvelables et à du stockage par batterie. Est-ce réaliste?

Rémy Bourdillon remy.bourdillon@acadienouvelle.com

Voilà des mois que Megan Mitton le propose: au lieu d’une centrale au gaz, le Nouveau-Brunswick devrait investir dans l’éolien, le solaire et le stockage par batterie afin d’aller chercher de manière plus propre la capacité dont Énergie NB craint de manquer.

L’éolien et le solaire, on connait déjà. Mais le stockage par batterie, à quoi cela peut-il bien ressembler?

Nous avons demandé à la députée de Tantramar ce qu’elle avait en tête. Son équipe nous a envoyé plusieurs liens vers des projets récents, qui pourraient servir d’inspiration au N.-B.

Quelques exemples? Le mois dernier, la construction du plus grand projet de stockage par batterie au Canada a été lancée dans l’est de l’Ontario. Utilisant des batteries lithiumion comme nos téléphones ou nos voitures électriques, celui-ci pourrait atteindre une capacité maximale de 411 MW.

Au Maine, une startup a lancé en 2024 l’idée de construire la plus grosse batterie du monde, qui serait capable d’injecter 85 MW dans le réseau et de maintenir cette décharge jusqu’à 100 heures.

Plus près de nous encore, Saint John Energy a inauguré, en mars 2024, un réseau de batteries de 5,8 MW, pour stocker l’énergie produite par des éoliennes.

Le stockage représente un bon complément aux énergies renouvelables, puisque ces dernières sont intermittentes. Les batteries chargent lorsque le vent souffle ou que le soleil brille, puis se vident quand les renouvelables n’apportent pas assez d’énergie pour répondre à la demande des consommateurs.

Énergie NB ne rejette d’ailleurs pas cette solution. Mais après avoir lancé un appel à manifestation d’intérêt pour cette technologie en 2023, la société de la Couronne juge cela trop cher.

«Il en coûterait environ 75% de plus pour répondre à l’exigence de capacité effective de 400 MW avec des batteries par rapport à des turbines à combustion», lit-on dans un document déposé le 31 octobre dernier par Énergie NB à la Commission de l’énergie et des services publics.

Les choses changent toutefois rapidement, assure le professeur de physique à l’Université de Montréal Normand Mousseau.

«Il y a des avancées majeures dans le coût des technologies de stockage», rappelle-t-il. Cela lui laisse croire que cette technologie sera rapidement compétitive, surtout si on ajoute à l’équation le fait que le coût des énergies renouvelables diminue rapidement (surtout le solaire).

À l’inverse, construire la centrale de Tantramar reviendrait à se rendre dépendants pour 25 ans du gaz naturel, dont le prix peut varier dans le temps.

POURQUOI PAS DÉCENTRALISER?

Un parc de batterie utiliserait quand même beaucoup d’espace. «En moyenne, l’équivalent d’une remorque de 45 pieds peut stocker environ 1 MW», estime Jean-Pierre Finet, analyste pour le Regroupement des organismes environnementaux en énergie.

Avant de se lancer dans de telles constructions, ce dernier appelle à considérer une autre option d’avenir: «Il peut y avoir des batteries chez les gens, qui contribuent à la fois à la résilience des habitants et à la gestion de la demande de pointe.»

En d’autres termes, les batteries de nos appareils pourraient être utilisées pour éclairer notre maison lors d’une panne de courant, ou fournir du courant à Énergie NB lors des pics de consommation.

Yves Gagnon, professeur d’ingénierie à l’Université de Moncton, approuve… et pense notamment à des objets de plus en plus répandus: les voitures électriques.

«Si on branche la voiture sur le réseau en arrivant à la maison, et qu’on sait quelle charge on veut dans la batterie pour aller au boulot le lendemain, on peut faire en sorte qu’elle devient une source d’énergie pour le réseau. La somme de toutes ces petites piles devient une source importante.»

Jean-Pierre Finet préconise aussi le recours au stockage thermique: un appareil souvent formé de briques emmagasine de l’énergie hors des périodes de pointe, et la relâche quand l’occupant de la maison le désire.

Il a même trouvé un exemple pour nous tout près du N.-B.: la municipalité de Summerside (Île-du-Prince-Édouard) propose à ses résidents de se doter d’un de ces appareils pour utiliser l’électricité produite par les éoliennes la nuit. Ceux qui acceptent paient 0,08$/kWh pour leur énergie.

Reste un défi majeur pour mettre en place ces solutions: l’accès aux équipements, tant les «chaînes d’approvisionnement sont saturées», selon Yves Gagnon.

Dans ces conditions, Énergie NB a beau jeu de se rabattre vers une centrale au gaz, livrable plus rapidement.

Mais tant Jean-Pierre Finet qu’Yves Gagnon jugent sévèrement ce choix. «Cela démontre une mauvaise planification d’Énergie NB», nous ont-ils tous les deux affirmés. ■

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2025-12-16T08:00:00.0000000Z

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