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Des médecins décrient un projet de centralisation «dangereux»

Un projet de modernisation des services de laboratoires du ministère de la Santé entraînerait des délais potentiellement dangereux pour les patients, selon un groupe de médecins du Centre hospitalier universitaire Dr-Georges-L.-Dumont.

Devin Ashton-Beaucage devin.ashton-beaucage@acadienouvelle.com

«Je ne sais pas comment on va faire pour travailler!», s’est exclamé le Dr Yves Thériault lors d’une conférence de presse mardi.

Il est l’un des quelque 280 membres du Conseil des médecins et dentistes du centre hospitalier qui se sont opposés unanimement au projet du gouvernement du N.-B.

Ce dernier souhaite centraliser les laboratoires de la province afin de pallier un important manque de main-d’oeuvre prévu dans les années à venir.

S’il va de l’avant, le projet du ministère de la Santé prendrait forme en trois étapes.

Tout d’abord, dès l’automne, la réception des tests de sang des cliniques externes du Nouveau-Brunswick serait centralisée à Fredericton et Bathurst.

La deuxième étape verrait le laboratoire de microbiologie du CHU Dumont agrandi et mis au service des tests de routine de la province entière, alors que plusieurs autres types de tests seront assignés exclusivement à l’Hôpital de Moncton.

La troisième phase du projet prendrait potentiellement forme en 2026 et consisterait à centraliser les services liés à la pathologie vers l’Hôpital de Moncton et l’Hôpital régional de Saint-Jean.

Le comité de sauvegarde des laboratoires du CHU Dumont souligne qu’il ne sera plus possible de faire des tests de pathologie qui détectent le cancer à l’intérieur du Réseau de santé Vitalité si ce plan se concrétise.

«De tels changements mèneront inévitablement à des situations dangereuses et potentiellement fatales», a martelé le cardiologue Luc Cormier, qui est également président du comité.

Il appréhende les délais et risques liés au déplacement des tests qui pourrait les rendre caducs et avoir de sérieux impacts sur les patients. Plusieurs d’entre eux dépendent d’analyses rapides afin d’être diagnostiqués et traités de manière efficace.

En plus du voyagement, des intempéries et des écarts de température, qui représentent tous des menaces pour l’efficacité des tests, le Dr Cormier a noté les processus d’emballage et d’étiquetage qui, eux aussi, créent des délais supplémentaires. Les envois de tests entre hôpitaux relativement proches, comme ceux prévus entre le CHU Dumont et l’Hôpital de Moncton, pourraient donc significativement prolonger l’attente de résultats, selon lui.

«C’est un projet qui est complètement démesuré», a-t-il insisté.

Il a également souligné l’achalandage du réseau hospitalier qui sera affecté par cette lenteur ajoutée et qu’un «processus est déjà mis en place» pour répondre à la pénurie de technologues prévue par le gouvernement et qui est à l’origine de cette réforme.

DES SERVICES AMOINDRIS

«Qu’adviendra-t-il de la mission universitaire et de la formation?», a lancé le cardiologue au public présent avant de s’interroger plus précisément sur l’avenir incertain de plusieurs stages offerts en français.

«Si on ampute une partie importante de nos capacités de formation, nous serons dans un pire état que ce que prévoit le rapport [fourni par le gouvernement], car qui dit stage, dit recrutement.»

Selon le Dr Cormier, la firme Deloitte, qui a conçu le projet de modernisation du gouvernement et fournit un rapport aux employés des services de laboratoire au début du mois, aurait basé ses plans de centralisation sur un manque d’espace disponible. Or, à la connaissance du personnel médical, les experts de la firme n’auraient «jamais mis les pieds au CHU Dumont, du moins dans les cinq dernières années».

En réaction à la sortie publique des médecins, le porte-parole libéral en matière de Santé Rob McKee s’est montré inquiet face aux potentiels impacts négatifs du projet sur les soins de service que pourra offrir le CHU Dumont à la population francophone, mais aussi sur les étudiants qui voudront continuer leur parcours académique en français.

Jointe par l’Acadie Nouvelle, la PDG du Réseau de santé Vitalité, Dre France Desrosiers, a soutenu que les inquiétudes des médecins du CHU Dumont «méritent une écoute attentive» et a souligné «qu’aucune décision définitive n’a été prise par le comité de gouvernance provincial dans ce dossier».

Des «discussions plus approfondies» seront nécessaires, a-t-elle déclaré par courriel.

Du côté du ministère de la Santé, on indique que des échantillons sont «régulièrement transférés d’une région à l’autre sans problème» et sans incidence sur les soins aux patients, que l’on affirme ne pas vouloir perturber.

Le ministère souligne également que son projet de réforme doit d’abord être testé avant d’être mis en oeuvre et affirme avoir «rencontré le personnel de laboratoire de toute la province pour lui présenter le modèle de service proposé et lui donner l’occasion de faire part de ses commentaires.» D’autres discussions seraient à venir, notamment avec la communauté médicale. ■

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2023-06-28T07:00:00.0000000Z

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