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LAISSEZ AUX MUNICIPALITÉS LES FONDS FÉDÉRAUX POUR LE LOGEMENT

FRANÇOIS GRAVEL francois.gravel@acadienouvelle.com

Blaine Higgs a évoqué ces derniers jours la possibilité d’interdire aux municipalités d’obtenir des fonds fédéraux pour le logement sans d’abord passer par le gouvernement provincial. C’est une mauvaise idée. Nos communautés ont besoin de plus d’immeubles résidentiels. Pas de l’interférence d’un premier ministre qui souhaite surtout marquer des points politiques. Le gouvernement du Canada a mis sur pied le Fonds pour accélérer la construction de logements, d’une valeur de 4 milliards $. Des ententes ont déjà été signées avec quelques municipalités, y compris Halifax. Rien de tel n’a encore été signé au Nouveau-Brunswick, mais des villes ont soumis des demandes. Moncton fait partie de celles-ci. Elle a proposé cet été un plan de densification qui pourrait lui permettre de recevoir 13,4 millions $. Ces fonds fédéraux aideraient à débloquer des projets qui sont présentement sur la glace, en raison de l’inflation et de la hausse des taux d’intérêt. Le gouvernement Higgs veut toutefois jouer les empêcheurs de tourner en rond. L’idée de voir Ottawa signer des ententes directement avec les municipalités lui pue au nez. Il menace de les interdire.

La position de Fredericton n’est pas déraisonnable, d’autant plus qu’elle est partagée par la majorité des autres provinces. Elle s’inscrit aussi dans l’histoire des relations parfois tumultueuses entre le fédéral et les provinces.

Au milieu des années 2000, le premier ministre libéral Paul Martin a annoncé qu’il remettrait aux municipalités une partie des revenus de la taxe fédérale sur l’essence. Des millions de dollars ont depuis été injectés dans des projets d’infrastructures, en particulier en lien avec les eaux et égouts. Une bénédiction.

Nous avons toutefois tendance à oublier que le gouvernement provincial, alors dirigé par Bernard Lord, avait grincé des dents à l’époque. Il avait même lancé l’idée de reprendre l’argent en provenance d’Ottawa en réduisant du même montant les subventions inconditionnelles. La menace n’a heureusement pas été mise à exécution.

Nous nous opposons néanmoins aux efforts de Blaine Higgs pour empêcher Ottawa d’investir dans nos communautés, en raison de son piètre bilan en ce qui a trait au respect et à l’exécution des ententes fédérales-provinciales. À son arrivée au pouvoir en 2018, Fredericton avait unilatéralement mis fin au projet d’élargissement de la route 11. En 2022, Ottawa avait prévenu le Nouveau-Brunswick qu’il risquait de perdre sa part de la cagnotte du programme Investir dans le Canada s’il continuait de se traîner les pieds. Pendant la pandémie, il a empoché des fonds fédéraux afin de réduire la dette plutôt qu’utiliser ceux-ci pour venir en aide à la population. Le Nouveau-Brunswick a aussi été la dernière province à signer un accord sur les garderies à 10$. Pire, le dossier progresse à pas de tortue. L’argent est disponible, mais la province tarde à identifier des garderies où il pourrait être investi.

Par ailleurs, nous avons des doutes sur les réelles motivations de Blaine Higgs, qui n’a jusqu’à maintenant fait aucun effort sérieux pour atténuer la crise du logement. Le gouvernement Trudeau a déjà éliminé la taxe de vente fédérale sur la construction immobilière. Plusieurs provinces ont ensuite fait de même, mais pas le Nouveau-Brunswick.

Le premier ministre Higgs affirme vouloir une entente comme celle en vigueur au Québec, où une loi de l’Assemblée nationale empêche Ottawa de négocier directement avec les municipalités.

Fort bien! Mais Blaine Higgs oublie commodément de mentionner que le gouvernement Legault a promis de doubler la mise du fédéral. Ce n’est donc pas 900 millions $ en fonds publics qui seront injectés dans cette province, mais 1,8 milliard $. Le Nouveau-Brunswick n’a rien promis de tel. L’histoire nous dit que si le gouvernement Higgs met la main sur les millions du fédéral, il prendra une éternité à les réinvestir dans nos communautés ou s’en servira, directement ou indirectement, pour rembourser la dette publique.

Nous n’avons aucune confiance en l’administration du premier ministre Higgs pour distribuer cet argent rapidement et équitablement. Il n’a jusqu’à maintenant montré aucune volonté et aucun intérêt à limiter les hausses de prix des loyers et à favoriser la construction de nouveaux logements. Nous lui demandons d’avoir au minimum la décence de laisser les gouvernements fédéral et municipaux s’attaquer à une crise qu’il a luimême choisi d’ignorer.

ÉDITORIAL

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2023-11-14T08:00:00.0000000Z

2023-11-14T08:00:00.0000000Z

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